La servante illettrée

Je suis la servante illettrée

Qui ne sait rien et ne doit rien savoir.

Je passe, je sers, anesthésiant mes sens

Je suis la servante illettrée

Qui n’entend rien et ne doit rien entendre

Ni le sanskrit de mon maître

Ni l’hébreu de son disciple

Je suis la servante illettrée

Qui ne voit rien et ne doit rien voir

Ne vois ni les peintures et esquisses de mon maître

Ni les sculptures et ciselures de son disciple

Je suis la servante illettrée

Qui ne sent rien et ne doit rien sentir

Ne sens ni les coups de bâton de mon maître

Ni les mains de son disciple

Je suis la servante illettrée

Qui ne goûte à rien ni ne doit rien goûter

Ne connais ni le goût fruité du vin de mon maître

Ni l’amertume du thé d’Orient de son disciple

Je suis la servante illettrée

Qui ne touche à rien et ne doit rien toucher

Ne connais ni la douceur de la soie des parures de l’épouse de mon maître

Ni la rudesse de la toile grossière que je porte

Je suis la servante illettrée

Qui ne sait rien et ne doit rien savoir

Je passe, je sers, anesthésiant mes sens

Et je repars dans l’autre sens

Je suis la servante illettrée

Le Sens de ses sens

L’Ouïe de son ouïe

L’Oreille de son oreille

La Vue de sa vue

L’Œil de ses yeux

La Douleur de sa douleur

La Douceur de sa douceur

L’Odorat  de son odorat

Le Nez de son nez

Le Goût de son goût

Le Palais de son palais

Le Toucher de son toucher

La Peau de sa peau

Je suis la servante illettrée

L’Être de son être

L’Âme de son âme

La Clarté de son ombre

Nous sommes la servante illettrée

Je ne sais rien de ce que je ne dois rien savoir

Je sais Tout de ce qu’elle saura.

Coralie Adato@/3/1/14 Pondichery